Misjudgment

L'amour propre? Ce moi humain qui n'aime que soi et ne considère que soi? Que fera-t-il? Il ne saura empêcher que cet objet qu'il aime ne soit plein de défauts : il veut être grand, et se voit petit, il veut être heureux, mais se voit misérable, il veut être parfait, et il se voit tellement d'imperfections, il veut être l'objet de l'amour des hommes, il veut être estimé, mais il voit que ses défauts ne méritent que le dégout et la répulsion. Un embarras où fait naître en lui la passion la plus criminelle, la conception d'une haine mortelle contre cette vérité qui le reprend, et qui finit par le convaicre de ses défauts. Il a le désir de l'anéantir, et réalisant qu'il ne pouvait pas la détruire en elle-même, il la détruit autant qu'il peut dans ce qu'il connait et dans ce qu'il connait des autres.
Le mal d'être plein de défaut est certain, mais c'est encore un plus grand mal d'en être plein et de ne pas vouloir les reconnaître. Encore une illusion qui semble volontaire. Pourtant, qui voudrait être trompé par les autres, qui trouve juste qu'il veuille être estimé plus ou moins qu'il le mérite? Qui peut dire qu'il préfère la vérité et ceux qui nous la dise plutôt que d'être trompé à son avantage? Et si il préfererait être estimé autre que ce qu'il est en réalité?
C'est comme ça que chacun veut être traité. Haïssant la vérité, pour qu'on lui cache, il veut être complimenté, on le complimente. Il aime être trompé, et on le trompe.
Alors, la vie n'est-elle rien d'autre qu'une illusion perpétuelle, où chacun ne fait que de se tromper, de se mentir mutuellement? Qui parle de nous en notre présence comme il en parle durant notre absence? Un mensonge réciproque. Mais quelles amitiés subsisteraient à la sincérité?
Qui n'est pas dissimulé sous le mensonge et l'hypocrisie, envers soi même et envers les autres? Qui désire la vérité? Qui évite de la dire aux autres?

(Lire les Pensées de Pascal)