Wednesday, June 02, 2010

W i l d - E y e d






















Devant l'immense maison, j'arrivai dans un jardin qui s'étageait en larges terrasses. Je le trouvais négligemment entretenu. Les hautes herbes avaient envahi toutes les allées. Les buis, taillés auparavant avec art, n'étaient plus élagués. Leurs figures étaient telles des spectres, elles dressaient en l'air des nez immenses et des bonnets pointus, qui, dans l'aube indécise, étaient vraiment à faire peur. Sur quelques statues dégradées décorant un bassin d'eau stagnante, avait été étendu du linge. On avait planté des choux de façon éparse au beau milieu du parc. Ou bien c'étaient juste quelques fleurs vulgaires. Et tout cela, à l'abandon, pêle-mêle, étouffé sous les mauvaises herbes. Le regard embrassait un large horizon sauvage où les sommets à perte de vue succédaient à d'autres sommets.
M'étant promenée un long moment dans le jour naissant à travers ce jardin abandonné, j'aperçus soudain sur une terrasse au-dessus de moi un grand homme, jeune, mince et pâle, vêtu d'une longue cape brune. Il allait et venait, les bras croisés, à grandes enjambées. Il fit semblant de ne pas me voir, s'assit sur un banc de bois et tira un livre de sa poche qu'il commença à lire à voix basse. Parfois, il levait les yeux aux ciel, puis il appuyait mélancoliquement la tête sur sa fine main droite. Je l'observais longuement, puis la curiosité me prit, et je me précipitai alors vers lui. Il dégagea un profond soupir et sursauta d'effroi à ma venue. Il était bien embarrassé, et moi aussi, nous ne savions que dire. A la fin, il prit la fuite à grandes enjambées à travers les broussailles.

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